
A l’instar des êtres humains, les matériaux dits nanoporeux respirent… Ils peuvent s’ouvrir ou se refermer sous l’effet de facteurs extérieurs tels que la pression, la température, la lumière ou encore en présence de gaz ou de solvants.
Mais si cette « respiration » ressemble au fonctionnement de nos poumons, ces matériaux peuvent gonfler de 230 % ! Et ils sont capables de capturer et de libérer, de manière contrôlée, des composés chimiques, gaz ou liquides. D’où une variété d’applications envisagées, par exemple pour le stockage de l’hydrogène et des gaz à effet de serre ou encore la libération ciblée de médicaments.
Résultat inattendu
Objet de toutes les attentions, ces matériaux sont loin d’avoir dévoilé tous leurs secrets ! C’est en tout cas ce qu’a constaté une équipe franco-allemande, dont des chercheurs de l'Institut de recherche de Chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech) et de l'Institut Charles Gerhardt de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM), en mettant au point un de ces matériaux, le DUT-49. Contrairement à ce qu’elle pensait, lorsque la pression augmente pour faire entrer davantage de gaz dans un échantillon de DUT-49, celui-ci se contracte subitement et libère son contenu. Exactement comme si, pendant une inspiration, nos poumons se rétractaient et expulsaient l'air qu'ils contiennent.
Observé expérimentalement, ce résultat inattendu a été confirmé par d’autres mesures, notamment numériques. Une série de simulations a été réalisée sur le supercalculateur de Turing de GENCI, exploité à l’Idris, avec le code de chimie quantique pour solides CRYSTAL14 dans sa version massivement parallèle : « Les calculs sont exécutés typiquement sur 2 048 cœurs, par blocs successifs de 20 heures » explique François-Xavier Coudert, chercheur au CNRS. Le projet global (phases de test, choix de la méthodologie de calcul quantique, paramètres techniques et de parallélisation) a représenté environ 1 million d’heures en 2015.
Un million d'heures sur Turing
« La spécificité de DUT-49 est sa très grande taille qui compte pas moins de 1 728 atomes dans la maille cristalline », souligne le scientifique. « Avec autant d’atomes tous pris en compte dans le calcul quantique, nos simulations auraient été totalement impossible à réaliser sur une architecture plus petite que celle de Turing ».
Les propriétés physiques surprenantes de DUT-49, capable de capter et stocker des gaz jusqu’à un certain point, pourraient permettre de développer des interrupteurs et des capteurs à l’échelle nanométrique. Le dégonflement du matériau correspond, en effet, à une réponse forte à un petit événement, déclenché à partir d'une valeur seuil facilement détectable.
Dans le prolongement de ces travaux - qui ont fait l’objet d’un article dans la revue Nature, le 6 avril 2016, François-Xavier Coudert et son équipe bénéficient de 6 millions d’heures sur le supercalculateur Curie dans le cadre de la session spéciale de GENCI pour étudier des matériaux de la même famille.
Plus d’informations : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4495.htm
Vue du DUT-49
© S. Krause / Technische Universität Dresden