
Il est connu depuis Sir Joseph Larmor en 1919 que le mouvement d'un fluide conducteur de l’électricité peut générer un champ magnétique : c'est l'effet dynamo. Seulement trois expériences au niveau international ont pu produire un tel effet, notamment l’expérience Von Kármán Sodium (VKS) au CEA Cadarache. Cette dernière étudie la génération de champ magnétique par un écoulement turbulent de sodium liquide entraîné par deux turbines (disques munis de pales) contra-rotatives.
C’est la seule à avoir obtenu des régimes de dynamo avec un champ magnétique se renversant au cours du temps comme le champ terrestre. Mais cela nécessite des turbines tournantes en fer, imposant ainsi une perméabilité magnétique variable en temps en espace. Le rôle de ce matériau ferromagnétique pose question. Nous y apportons des éléments de réponse en nous appuyant sur le code parallélisé SFEMaNS entièrement développé par l’équipe et qui résout les équations de la magnétohydrodynamique (couplant les champs de vitesse et de champ magnétique par la force de Lorentz et la loi d’Ohm) sur des maillages non structurés. Nous avons d'abord développé une méthode de pénalisation novatrice pour décrire les turbines.
En effet, un ingrédient clé dans le mécanisme dynamo est le tourbillon hélicoïdal généré derrière chaque pale des turbines : il focalise tout champ magnétique pré-existant créant une amplification de ce champ. Les verrous scientifiques ont ensuite été la prise en compte des turbines en fer complexifiant la résolution du champ magnétique, mais aussi les grands nombres de Reynolds cinétiques de l’expérience (>107).
La méthode utilisée pour lever le premier verrou a été de considérer une perméabilité axisymétrique uniforme et de traiter les variations spatiales comme un terme source de l’équation magnétique. Pour le second verrou, une technique de viscosité entropique (de type viscosité de sous-maille) a été appliquée.
Nous avons ainsi pu réaliser les premières simulations tridimensionnelles réalistes de VKS (maillage de 30 millions de cellules tournant sur 1024 processeurs de la machine ADA à l’IDRIS). Le champ de vitesse présente un large spectre d'échelles (figure 1) allant jusqu'aux "vermisseaux" typiques de la turbulence. Le champ magnétique moyenné en temps (figure 2) est dominé par un dipôle axial et une composante azimutale concentrée au niveau des pales comme dans l'expérience (voir Nore+, JFM, 2018). Ces travaux vont se poursuivre par la caractérisation de la turbulence dans cette géométrie.
Simulation hydrodynamique de l'écoulement de sodium liquide dans la géométrie de von Kármán Sodium au nombre de Reynolds cinétique Re=105 : visualisation de la norme de la vorticité (les turbines contra-rotatives à chaque extrémité du conteneur sont montrées en gris clair).
Simulation magnétohydrodynamique de l'écoulement de sodium liquide dans la géométrie de von Kármán Sodium au nombre de Reynolds cinétique Re=105, au nombre de Reynolds magnétique Rm=100 et avec une perméabilité magnétique relative des turbines de 50 : visualisation des lignes de champ magnétique moyenné en temps et coupe méridienne de sa composante azimutale.
Caroline Nore, Professeur à l'Université Paris-Sud et LIMSI-CNRS,
Daniel Castanon-Quiroz, post-doctorant à l'Université de Montpellier, Loïc Cappanera, post-doctorant à Rice University, USA, Jean-Luc Guermond, Professeur à TAMU University, Texas, USA.