Les faits & le projet

 

La fusion nucléaire par confinement magnétique d’un plasma vise à produire de l’énergie par le même type de réaction naturellement à l’œuvre dans le Soleil et les étoiles de l’Univers. Fruit d’une vaste collaboration internationale, le réacteur ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), actuellement en construction à Cadarache, est une installation de fusion expérimentale dont le but à partir de 2025 est de reproduire cette réaction et de tester pour la première fois les technologies, les matériaux et les régimes de plasma dans une perspective de production d’électricité.

Si le design du tokamak d’ITER est arrêté, ses différents régimes de fonctionnement restent encore à caractériser, pour être en mesure de générer un plasma de longue durée et dans des conditions permettant la réaction de fusion. Or, vu la taille du réacteur expérimental, le plus grand jamais construit, et les conditions extrêmes du plasma – 150 millions de degrés en son cœur – les expériences elles-mêmes représentent un risque potentiel pour l’intégrité de la machine et doivent être minutieusement préparées.

La simulation numérique joue donc un rôle clé dans cette préparation, afin de prouver que les expériences envisagées sont sans danger pour la machine, ce qui nécessite le développement d’outils prédictifs reproduisant la physique du réacteur. Ceci est particulièrement important pour la partie périphérique du plasma, qui s’étend jusqu’aux parois du réacteur et notamment au niveau du Divertor, dont l’interaction avec la paroi génèrera un flux de chaleur pouvant atteindre 200 MW/m2, soit de l’ordre de 4 fois le flux d’énergie à la surface du soleil, sur une très petite portion de la paroi. Des stratégies existent et sont régulièrement testées sur les tokamaks actuels pour redistribuer cette puissance avant qu’elle n’atteigne la paroi, mais celles-ci devront être validées numériquement avant d’être utilisées sur ITER.

Vue du Tokamak ITER et de son Divertor (en bleu) qui constitue le «plancher » de la chambre à vide

© ITER Organization

L’un des enjeux de ce projet de simulation est donc de comprendre pourquoi le flux d’énergie est concentré sur une surface aussi petite, dans le but de le contrôler et d’optimiser la surface concernée pour en réduire la charge thermique. L’autre enjeu est la reproduction d’un mode de fonctionnement idéal pour la fusion, communément appelé « mode H ». À ce régime de température, une augmentation brutale du confinement magnétique du plasma est observée, ce qui représente un avantage pour la réaction de fusion. Cependant, si ce régime de fonctionnement a déjà été observé expérimentalement, aucune simulation n’est parvenue à le reproduire jusqu’à présent.

 

Les résultats


La modélisation du transport et de la turbulence dans les plasmas de bord des tokamaks nécessite des codes de calcul spécialisés, ce qui a conduit au développement du code 3D TOKAM3X dans le cadre d’une collaboration entre l’Université Aix-Marseille et l’IRFM soutenue par l’ANR (projet SEDIBA). Dans ce code, l’équipe a pris l’option d’associer la simulation numérique directe de la turbulence du plasma à une géométrie complexe 3D qui correspond à la géométrie dite en Divertor d’un tokamak réel, ce qui constitue une première à l’échelle mondiale pour un code de ce type (fluide, forcé par le flux). Un tel code nécessite donc une puissance de calcul importante pour être mis en œuvre, une simulation typique nécessitant aujourd’hui un mois de calcul sur plus de 500 processeurs en parallèle.  

Les travaux réalisés dans le cadre de la thèse de David Galassi ont permis de confirmer la capacité du code TOKAM3X à simuler la turbulence des plasmas de bord et a permis de mettre en évidence l’influence importante de la géométrie du Divertor sur la turbulence et par conséquent sur la zone de dépôt du flux de chaleur. Les simulations soulignent en particulier le rôle d’une zone particulière du divertor, le « Point X », dans laquelle le champ magnétique s’annule et qui semble jouer un rôle dans l’amélioration du confinement et l’apparition du « mode H ».

Simulation en géométrie circulaire correspondant à l’état de l’art avant les travaux de D. Galassi 

 Première simulation 3D d’une géométrie en Divertor réaliste avec le code TOKAM3X

Ces résultats très prometteurs ont nécessité l’utilisation de 1,5 million d’heures sur les supercalculateurs Curie et Occigen en 2017, et ils ont fait l’objet d’une publication dans la revue Nuclear Fusion dont les références sont indiquées plus bas. Pour la suite du projet, une collaboration avec la Maison de la Simulation a été initiée pour poursuivre le développement du code et augmenter son niveau de parallélisme, afin de pouvoir faire monter les simulations à l’échelle et rendre possible la modélisation de machines de grande taille comme ITER.


L’équipe du projet :

  • à l’IRFM : P. Tamain, C. Baudoin, H. Bufferand, G. Ciraolo, N. Fedorczak, Ph. Ghendrih, G. Latu, N. Nace
  • au M2P2 (Marseille) : D. Galassi, E. Serre, C. Colin, F. Schwander (ancienne doctorante)
  • au PIIM (Marseille) : Y. Marandet


Pour aller plus loin :

  • Tamainet al., The TOKAM3X code for edge turbulence fluid simulations of tokamak plasmas in versatile magnetic geometries, Journal of Computational Physics  321, 606-623 (2016), doi:10.1016/j.jcp.2016.05.038
  • Résultats en géométrie circulaire (1) : P. Tamain et al., 3D Properties of Edge Turbulent Transport in Full-Torus Simulations and their Impact on Poloidal Asymmetries, Contrib. Plasma Phys. 54, 555–559 (2014), doi:10.1002/ctpp.201410017
  • Résultats en géométrie circulaire (2) : C. Colin et al., Impact of the plasma-wall contact position on edge turbulent transport and poloidal asymmetries in 3D global turbulence simulations, Journal of Nuclear Materials 463, 654-658 (2015), doi:10.1016/j.jnucmat.2015.01.019
  • Résultats en géométrie circulaire (3) : P. Tamain et al., Multi-scale self-organisation of edge plasma turbulent transport in 3D global simulations, Plasma Physics and Controlled Fusion 57, 054014 (2015), doi:10.1088/0741-3335/57/5/054014 
  •  Papier utilisant d’autres simulations en géométrie divertor (d’ailleurs aussi effectuées par Davide Galassi) pour comparaison avec l’expérience : A. Gallo et al., Impact of the plasma geometry on divertor power exhaust: experimental evidence from TCV and simulations with SolEdge2D and TOKAM3X, Plasma Physics and Controlled Fusion, accepted, doi:10.1088/1361-6587/aa857b