![Image de molécule [GENCI, Catherine Rivière]](https://www.genci.fr/sites/default/files/styles/detail_actualite/public/field/image/Molecules_0.png?itok=tM1SFB3r)
La membrane qui entoure les cellules, cette enveloppe très complexe composée de deux couches fluides et très fines de lipides, de protéines et de sucres, est un sujet majeur de la biologie structurale. Chargée de réguler les échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule, elle est très difficile à « approcher » expérimentalement alors qu’elle joue un rôle déterminant dans les processus biologiques.
La simulation numérique, notamment par dynamique moléculaire, permet justement de percer peu à peu ses mystères. C’est en tout cas ce que Luca Monticelli, chercheur à l’Inserm, et son équipe ont réussi, en étudiant l’impact de différents polluants (dont les fameuses nanoparticules de carbone) sur des modèles simplifiés de membranes mais qui reproduisent fidèlement leur fonctionnement réel.
Hétérogénéité de la membrane
Car la membrane est loin d'être une mer d’huile ! Les molécules qui la composent peuvent s’y mouvoir et forment des « rafts » qui ont un rôle essentiel dans la communication de la cellule : « cette hétérogénéité est une caractéristique majeure des membranes cellulaires », souligne Luca Monticelli. « Et on considère même qu’elle est essentielle à leur bon fonctionnement ». Une altération de cette hétérogénéité peut avoir de terribles conséquences car la communication entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule ne s’effectuent que dans ces rafts : si ceux-ci disparaissent, ou deviennent trop grands, c’est toute la communication cellulaire qui peut être perturbée, donc la fonction même de la cellule.
Nocivité des polluants
D’où l’intérêt des travaux menés en 2014 sur le supercalculateur Jade de GENCI au Cines par l’équipe de Luca Monticelli. Forts de 790 000 heures de calcul, les chercheurs ont mis en évidence que certains polluants pouvaient avoir deux effets différents sur la membrane : un premier groupe de polluants (les hydrocarbures aliphatiques comme l'octane et le cyclohexane) a tendance à détruire les rafts et donc homogénéiser la membrane quand le second (les hydrocarbures aromatiques comem le benzène), à l’inverse, stabilise les rafts mais, dans les deux cas, la membrane est altérée.
Pour Luca Monticelli, ces résultats, qui ont fait l’objet de plusieurs publications notamment dans PLOS (Public Library of Science) Computational Biology fin 2014, sont très importants car ils constituent une étape de plus vers la compréhension des mécanismes d’action des polluants sur les cellules, avec des conséquences potentiellement importantes pour notre santé.
Une bouffée d’Occigen
Son travail se poursuit, en 2015, sur le successeur de Jade au Cines, le supercalculateur Occigen de GENCI, avec 2,7 millions d’heures. « L’impact des polluants sur une membrane cellulaire ne peut s’observer qu’à la ‘bonne’ échelle de temps, c’est-à-dire plusieurs dizaines de microsecondes » souligne le chercheur. « Cela prend des années sur un calculateur ‘classique’. Avec Occigen, il nous faut à peine quatre semaines sur 500 cœurs de calcul ». De quoi espérer aller encore plus loin, notamment dans la compréhension fine des interactions en jeu, avec l’objectif d’améliorer le design des molécules médicamenteuses pour limiter leurs effets secondaires.
Mécanisme d'action des polluants aromatiques : les hydrocarbures aromatiques sont co-localisés avec une classe particulière de lipides - les lipides insaturés - et stabilisent les "rafts". (c) Inserm