Notre domaine de recherche est la physique théorique et numérique pour la science des matériaux, et consiste en l’étude ab initio des propriétés physiques de matériaux, principalement avec des méthodes à l’échelle quantique basées sur la Théorie de la Fonctionnelle de la Densité (DFT). Cette dernière permet de réduire la complexité de l’équation de Schrödinger en utilisant le théorème selon lequel les propriétés de l’état fondamental électronique d’un système d’atomes et leurs électrons sont déterminées de façon unique par la densité électronique de l’état fondamental.
Les calculs DFT sont effectués sans paramètre ajustable et ont permis de prédire avec succès et fiabilité les propriétés physiques de nombreux matériaux, avec une précision maîtrisable. Un exemple est donné (figure de gauche) pour le carbure de bore B4C, l’une des céramiques les plus dures, qui est utilisée pour le blindage d’équipements militaires et la protection des personnes (gilets pare-balle). B4C est aussi un excellent absorbant de neutrons utile pour contrôler la réaction de chaîne dans de futurs réacteurs à neutrons rapides.
Pour ce matériau, nous avions prédit de façon théorique que le défaut ponctuel lacunaire de moindre énergie consiste en l’éjection de l’atome de bore B de la chaîne C-B-C (figure du centre), donnant des configurations atomiques carbonées C-lacune-C (figure de droite) qui amenuisent la tenue mécanique du matériau. Une série d’expériences conduite à l’Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (IMPMC, Paris), à l’aide de la très récente presse Paris-Edimbourg à enclume rotative pour tomographie (RoToPEC), a permis d’appliquer des déformations en torsion au carbure de bore, le conduisant de façon contrôlée dans le régime plastique.
Les dommages ont été analysés par diffraction des rayons X au synchrotron et par spectroscopie Raman, et interprétés à l’aide de nos calculs en DFT. Les nouveaux pics apparaissant dans les deux méthodes de caractérisation sont la signature de lacunes de bore dans les chaînes, en accord avec les prédictions théoriques. Ce nouveau résultat confirme les pistes de renforcement du B4C explorées activement avec nos partenaires de l’IMPMC, de l’Institut de Recherche sur les CERamiques (IRCER, Limoges), et de l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB).